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Vous voyez la lune pour la première fois. Public
Nouvelle Apocalypse Lune Science Fiction Terre

Ce soir là, je ne restai pas avec mes amis. Ils avaient décidé de visiter pour la centième fois la galerie du Louvre en réalité virtuelle, mais cela ne me tentait pas. 
A quoi bon admirer des oeuvres centenaires, voire millénaires, si l'on ne pouvait pas les approcher, si l'on savait qu'elles avaient été réduites en poussière? Pour apprendre les techniques artistiques des maîtres ? Cela faisait longtemps que les machines avaient surpassé l'homme en matière d'art, et que nous n'avions plus notre mot à dire sur leurs décisions. Au moins depuis que l'humanité n'avait pas revu la surface de la Terre.
Il faut dire que notre survie tenait du miracle.

Il y a 500 ans, un cataclysme avait anéanti toute forme de vie sur la planète. Son atmosphère fut littéralement aspirée par le vide interstellaire, tandis qu'une grande partie de sa surface fut expulsée dans l'espace. Le reste de la planète s'était presque totalement liquéfié sous le choc.

Les phénomènes gravitationnels et le plus grand des hasards firent qu'un immense bloc, expulsé de la planète par le choc, se plaça en orbite autour d'elle, et que notre abris put continuer à fonctionner malgré le cataclysme. Bien sûr, beaucoup périrent, presque aucun ne s'en sortit sans la moindre lésion. Sauf Frankie la Chance, à qui il n'arrivait jamais rien de fâcheux... Jusqu'à ce qu'une minuscule écharde de bois ne le gangrène et ne le présente à la mort juste après son trentième anniversaire. Comme quoi, tout a un prix qu'on finit par payer tôt ou tard. Les autres continuèrent de survivre grâce aux soins des machines, dépositaires de tout le savoir que nous n'étions plus en mesure de maîtriser nous-mêmes, et grâce à l'agriculture hydroponique et la culture de cellules qui nous fournissaient un apport diversifié en protéines et autres aliments utiles.

Mais ce soir se produisait un événement inhabituel. Et personne à bord ne voulait y assister. Ce soir, notre bout de terre allait se positionner de telle manière qu'il serait possible, pendant quelques minutes, de revoir notre défunte Terre mère, ou ce qu'il en restait, à travers le nuage de déchets spatiaux l'enveloppant. A chaque rotation, cette intervalle se rétrécissait, et les futures générations ne pourraient probablement plus jamais profiter de ce spectacle...

Mais l'humanité miraculée ne pouvait pas encore se faire à cette idée, ne supportait pas encore la vue de ce qui fut autrefois son Paradis. Certes, elle avait déjà commencé à tuer son jardin d'Eden à force d'ignorer sa fragilité. Elle ne comprenait pas l'importance de préserver ce qui est unique dans l'univers. Mais jamais elle ne se serait imaginée que son foyer serait détruit aussi brutalement, sans qu'elle n'en soit, finalement, le moins du monde responsable... L'humanité toute puissante, qui transformait son environnement, allait coloniser Mars et les autres planètes, qui avait créé et détruit plus que quiconque dans l'univers, n'y était pour rien, et n'y pourrait rien!

Le nez collé au hublot du sas d'accès, je regardais la masse de gravats spatiaux défiler sous mes yeux. Au loin, ils semblaient se clairsemer un peu. Je vérifiai le niveau de batterie de mon vieil appareil photo, nettoyai une dernière fois le hublot, jurant contre les poussières accumulées définitivement à l'extérieur. Et quand le ciel-horizon laissa deviner la masse de la boule de magma incandescent qui se profilait, je rivai mon oeil dans l'oculaire, et mitraillai frénétiquement. 

Nos enfants ne pourront pas profiter de ce sinistre spectacle, mais ils doivent savoir! Me disais-je.
Et je vis cette boule de feu ovoïde. La partie manquante avait été comblée par la lave en fusion. Bientôt, une immense colline apparut. Sa surface carbonisée était éclairée par la surface rougeoyante de la planète incandescente. J'y distinguai le cratère de Tycho Brahé, bien préservé à distance de la surface magmatique. Un peu plus bas, la mer des humeurs, et l'océan des tempêtes, léchés par des vagues de lave. Elle était morte, elle coulait peu à peu dans un océan brûlant. Mais elle restait belle, noble, comme elle le fut autrefois lorsqu'elle éclairait de son halo le ciel de nos ancêtres.
Soudain, un astéroïde noir traversa mon champ de vision, suivi d'autres de plus en plus nombreux et resserrés. 
La planète mère et son amante meurtrière disparurent à ma vue.  Dieu seul sait si un humain reposerait un jour, son regard sur elles. Le petit bout de Terre orpheline continuait sa route, séparé de ses parents par cette barrière infranchissable pour l'éternité. Au moins, il me restait les photos, ces images que personne ne pouvait encore accepter de voir sans sombrer dans cette profonde mélancolie qui me noya soudain, définitivement.

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