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Novae - Une fin des temps: Une belle prise Public
Nouvelle

Le reste du voyage fut une succession de pluies torrentielles et de fournaises infernales. A peine étaient-ils secs que la pluie les trempait à nouveau. Le seul qui semblait indifférent à ces variations climatiques était Edouardo. Sa tête ronde et bronzée, aux boucles d'ébène conservait imperturbablement son sourire et sa bonne humeur.
Arrivés près d'un îlot couvert d'une épaisse futaie, le brésilien se mit au point mort et sortit son fusil.
Vous avez vu? Dit-il en pointant son doigt vaguement vers un tas de bois mort.
Karin et Mathias plissèrent leurs yeux mais ne virent rien de particulier.
Ils sursautèrent lorsque dans leur dos, leur guide tira deux coups de feu, puis un autre et rangea son arme.
- Je l'ai raté, dit-il. Je crois que c'était un oiseau. Ils bougent vite les oiseaux...
Les deux européens se regardèrent interdits tandis que le moteur vrombissait à nouveau, les entraînant droit vers ce qui ressemblait... à une rive impénétrable à plusieurs centaines de mètres devant eux.
Absolument rien ne permettait de distinguer cet endroit d'un autre. Des branches d'immenses arbres, vivants, cette fois-ci, plongeaient dans l'eau à quelques mètres du rivage, rendant celui-ci impénétrable. Parfois, il était possible de se faufiler en dessous du feuillage. Edouardo dirigea la pirogue vers une de ces cavernes végétales sous laquelle ils virent plusieurs câble métalliques plonger droit dans l'eau.
- On va voir si ça a mordu, dit soudain le chasseur.
Il approcha l'embarcation des câbles métalliques. Il tira sur un premier, le remonta. Son énorme hameçon de trois ou quatre centimètres de long avait été dépouillé de son appât sans faire de victime.
- Tu pêches le requin? Lui demanda Karin, ironique.
Moqueur, il répondit.
- Non, il n'y a pas de requin en eau douce, mais des poissons bien plus dangereux et meilleurs à manger!
Il enroula le câble et l'hameçon et les rangea dans une boite. Il remonta une seconde ligne en faisant une grimace.
- C'est lourd, mais ça ne bouge pas. Dit-il. Mauvais signe.
Il fallut s'y mettre à deux pour remonter la prise. L'hameçon s'était fiché dans une branche flottant entre deux eaux. Une autre ligne remonta un poisson mort depuis trop longtemps. La dernière, enfin, montra une résistance plus encourageante. Il y avait bien un poisson accroché à l'autre extrémité! Et de belle taille visiblement!
- Aide-nous, dit-il à Karin. Attrape cette épuisette et mets-la sous le poisson dès que tu le verras. Attention, garde tes mains à distance, ces dents coupent comme des lames de rasoir!
- C'est pour ça que les lignes sont en fil de fer?
- Oui... Attention, il approche!
Bientôt, une tête plate avec des yeux noirs sur les côtés apparut entre deux eaux. Sa gueule, dans laquelle était fiché le solide hameçon, était bardée de dents pointues plantées dans ses lèvres plutôt que dans des gencives. Sa tête devait faire plus de 20 centimètres de large sur un corps épais et trapu qui devait bien mesurer un mètre et demi de long.
Karin plongea l'épuisette sous l'eau et tenta de trouver la queue du carnassier qui restait occultée par les alluvions brunâtres de vase soulevés par la lutte entre l'animal et les hommes. Soudain, Edouardo plongea ses bras entiers dans l'eau et souleva le lourd poisson par le ventre pour le faire glisser à bord de l'embarcation. Ses deux passagers sautèrent sur les banquettes pour éviter les coups de queue et de dents du poisson affolé.
Lorsque, suffoquant et sonné par des coups de crosse de fusil, l'animal cessa enfin de bouger, Edouardo pointa à nouveau son arme vers le ciel en disant:
- En voilà encore un! Il tira à nouveau deux coups de feu, puis un. Je crois que je l'ai eu! Je ne sais pas où il est tombé, vous l'avez vu?
Karin et Mathias se regardèrent. Ni l'un ni l'autre n'avais eu le temps de voir quoi que ce soit.
Edouardo relança son moteur et prit la direction de l'autre rive, elle même bordée d'une épaisse végétation ne laissant deviner aucun quai ou plage où débarquer.
Les quelques minutes qui les rapprochèrent de l'autre berge parurent durer une éternité aux deux touristes dont les yeux étaient rivés sur le gros poisson carnassier dont les dents aiiguisées menaçaient leurs mollets à chacun de ses soubresauts.
Bientôt, l'embarcation se faufila entre les branches d'une végétation épaisse pour rejoindre un petit sentier à peine visible. Dans l'ombre du feuillage, une sorte de guérillero d'opérette, tout vêtu de treillis de camouflage de récupération, un pistolet à la ceinture et une carabine dans le dos, les attendait. Il aurait eu l'air menaçant si son visage buriné n'était pas fendu en deux par un large sourire aux dents jaunes. A peine eurent-ils touché la berge qu'un flot incessant de parole se déversa de sa bouche. Il parlait en portugais et était visiblement heureux d'avoir un peu de visite.
Il les aida à débarquer leur matériel puis à tirer l'embarcation hors de l'eau pour la faire glisser sous un abris de fortune fait de bambous et de feuilles de palmes. La barque resterait ici jusqu'à leur retour, inutile de détacher son moteur, elle serait sous bonne garde.
Edouardo l'attacha quand même à un tronc et en fixa le moteur à l'aide de lourdes chaines que lui fournit leur nouvel ami. Il préféra fixer le tout avec l'un de ses propres cadenas dont lui seul avait la clef.
Quand ils eurent fini, ils furent rejoints par cinq hommes. Karin remarqua qu'aucun d'entre eux ne portait de chaussures, trois portaient de simples tongs, les deux autres allaient nus pieds, comme s'ils se rendaient à la plage.
Avant de partir, Edouardo les avertit:
- Regardez bien où vous marchez, il y a des awaras le long du chemin. Les épines de leur écorce et de leurs fruits traverseraient vos semelles et vos pieds comme du beurre.
- Mais eux, dit Karin, ils n'ont même pas de chaussures?
- Ils regardent où ils marchent, lui répondit son guide avec un air amusé.
Ils chargèrent sur leurs épaules les touques et une glacière pleine de glace pilée, dans laquelle ils avaient entreposé le poisson, et prirent le sentier qui s'enfonçait dans la forêt, parlant et riant comme s'ils ne faisaient aucun effort.
Karen et Mathias, chargés de leurs sacs à dos ultra légers et confortables peinaient à les suivre et haletaient en trébuchant sur les racines et en tentant d'éviter les ronces et pierres qui jalonnaient leur chemin, s'enfonçant toujours plus profondément dans la jungle.

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